Guy PEGERE : Mine d'Argent Gallo-Romaine à Chazelle-Haut 43

Guy PEGERE : Mine d'Argent Gallo-Romaine à Chazelle-Haut 43

Mine d'Argent Gallo-Romaine à Chazelle-Haut près de Saint-Juste 43

 

 

 

            De 1870, début de la grande période de l'Antimoine, à la crise économique de 1930, qui devait avec le fléchissement de ses cours marquer l'arrêt brutal de son extraction, le district à Antimoine de Brioude-Massiac avait jusqu'alors contribué d'une façon non négligeable au développement économique de cette région du Massif-Central Français. Les fonderies implantées pour cette substance minière en furent les premières industries. La production cumulée en Antimoine était assez considérable puisqu'on la chiffre à 40 000 tonnes (1).

 

            Sur le plan gîtologique, ce district à Antimoine correspond à une superficie de quelque 600 km2, entre les régions de Brioude et de Massiac, où il fut recensé plus de 240 filons. Parmi les trentaines exploitées, certains ont fait l'objet de 22 concessions du district, dont moins d'une dizaine de gisements furent notablement productifs et considérés comme importants à l'échelle du contexte minier Français. La tradition minière se perdit peu à peu, comme le souligne J.-J. Périchaud (1971) ; les générations actuelles en ignorent même l'importance passée.

 

            L'utilisation de l'Antimoine remonte à l'Antiquité. Sa présence fut constatée en examinant un vase Chaldéen datant de 4 000 ans avant J.-C.

 

            Par la suite, les propriétés du toucher gras de ce minerai, le firent utiliser comme produit de toilette pour les soins et la beauté des yeux des femmes Egyptiennes ; les femmes Arabes en firent également usage. Il n'était encore pas rare de rencontrer dans le désert des hommes Arabes avec les cils légèrement teintés en bleu : c'est le koheul qui a la capacité d'éviter comme les lunettes fumées que les yeux soient irrités par les rayons aveuglants du soleil.

 

            Il faut parvenir au début du XIXe siècle pour que l'usage de l'Antimoine entre dans des compositions plus élaborées. Mais c'est surtout dans la dernière décennie de ce siècle que nous notons quelques perfections dans l'obtention de l'Antimoine métallique (régule du commerce).

 

            Ainsi, au gré des procédés métallurgiques nouveaux, on utilisera les sulfures d'Antimoine (la Stibine et la Berthiérite qui sont les principaux minerais d'Antimoine), en alliage avec le plomb et l'étain, auxquels ils apportent leur dureté par leur addition qui rend la coulée plus fluide. Dans ses premières applications métallurgiques, l'Antimoine sera utilisé, avec le plomb, dans la confection des caractères d'imprimerie. On emploiera la Stibine dans la fabrication des munitions (balles et obus). Comme il entre dans la composition des métaux anti-friction, de ce fait, on l'utilisera dans l'industrie mécanique en général. Pour se résistance particulière à la fatigue à la corrosion, on s'en servira pour les biellettes des moteurs, dans la fabrication des plaques d'accumulateurs (2). En alliage avec le zinc, on obtient un métal dit « Métal-Anglais » spécialement utilisé par les Anglais pour l'orfèvrerie. Avec l'étain, l'Antimoine durcit les couverts et la vaisselle et les empêche de se déformer. Les sulfures d'Antimoine ont encore le privilège de se faire entendre des clochers de nos villes et campagnes.

 

            Toujours à partir de la fin du XIXe siècle, on obtient alors la possibilité de traiter les Oxydes d'Antimoine (la Valentinite et la Stibiconite, pour ne citer que les deux principaux). Le procédé du grand métallurgiste de l'Antimoine que fut Emmanuel Châtillon, permet d'utiliser des fours à sublimation d'abords, puis à grillage volatilisant. Ces derniers partants du même principe étaient beaucoup plus performants que les premiers.

 

            L'oxyde d'Antimoine, alors obtenu en poudre, entrait dans les verreries pour purifier les verres en général et aussi obtenir la beauté du cristal ; à notre époque, cette application industrielle s'étend également à la fabrication des tubes fluorescents pour les verres des écrans de télévisions. L'usage de l'oxyde entre encore dans l'émaillerie, la vulcanisation du caoutchouc, les encres des peintures blanches et militaires, la coloration des émaux et la céramique, dans l'industrie textile pour la charge des soies, comme élément anti-feu dans la fabrication des produits plastiques. Il est employé par les manufactures d'allumettes (frottoirs) et par les artificiers (feu d'artifice) et dans certains produits pharmaceutiques.

 

            L'Antimoine entre également dans l'industrie nucléaire. Etant donné qu'on lui connait plus de vingt isotopes radio-actifs dont les masses vont de 113 à 134, l'Antimoine 124 est utilisé comme source des rayons Gamma, l'Antimoine 125 sert d'indicateur radio-actif.

 

            Le plus ancien document des mines de la région de Brioude est une convention en latin de 1277, (traduction de Marie Grenier, almanach de Brioude de 1938), passé entre le Chapitre et Itier de Rochefort doyen de Brioude, concernant une mine d'Argent découverte sur le territoire de Chazelle, paroisse de Saint-Just. Itier de Rochefort devait mourir en août 1278, en pleine exploitation de la mine qui ne continua guère après sa mort.

 

            Cette mine parut ensuite ne susciter aucun intérêt, car elle fut même ignorée, semble-t-il, de Martine de Bertereau (dame et baronne de Beausoleil et d'Auffenback, minéralogiste de l'Auvergne et du Royaume de France). Nous lisons dans sa « Restition de Pluton » dressée en 1640, l'existence d'une mine d'Antimoine à Langeac entre Fromanti et Chadernac, et, proche de Brioude, une mine d'Antimoine à la Fage de Lubilhac, au Pradeau et au Monteil paroisse d'Ally.

 

            Cette mine Moyenâgeuse, dite «Mine Vieille» ou encore «Mine Grasse», connaîtra seulement à partir du début du XIXe siècle de nouveaux travaux, sans grande importance : travaux Julien Cussat ? Nous en reparlerons plus loin. Ce fut d'ailleurs au cours de ces travaux, qu'en 1827, Berthier de l'Institut devait donner la composition de l'Antimoine de Chazelle : celui-ci se révèlera être un sulfure double par la présence de fer. Désormais, on appellera ce minerai d'Antimoine d'une couleur plus brunâtre en raison de la présence de fer : « Berthiérite », bien que, précise à ce propos Marie Grenier, ce savant l'avait nommé « Haidingerite » en souvenir d'Haidinger.

 

            De la « Mine Vieille », que nous situons sur la rive gauche de Ceroux, à une centaine de mètres en aval de Chazalle-Haut, il subsiste des excavations à peine discernables dans la topographie. Comme le souligne J.-J. Périchaud dans sa thèse de 1970, nous n'avons nulle part des haldes permettant d'effectuer un échantillonnage. Concernant mes nouvelles observations, en janvier 1985, (soit une quinzaine d'années après ma première visite), en sélectionnant de nombreux blocs de Quartz, mis à profit à présent dans les éboulis d'un muret soutenant un tertre, je relevais en provenance de cette ancienne exploitation, plusieurs blocs minéralisés.

 

 

            Premier prélèvement :

 

            Blocs de Quartz grisâtre : faciès type de filons à Stibine, celui-ci en est d'ailleurs abondamment minéralisé : minerai en nombreuses et fines aiguilles disséminées dans la gangue quartzeuse de 35 mm de long et plus, pratiquement orientées dans le même plan. Leurs fréquents reflets brunâtres atténuant leurs éclats gris et plomb étaient assez significatifs pour y reconnaître de la Berthiérite, sulfure de fer abondant, rappelons-le dans les filons de Chazelle.

 

            Deuxième prélèvement :

 

            Celui-ci s'est déroulé à l'encontre d'une roche présentant un encroûtement terreux accusant un poids exagéré pour son volume. Cet échantillon, une fois brisé, s'est révélé pur en Stibine, dégageant de vifs reflets métalliques fibro-radiés. Ce bloc de minerai d'une extrême richesse en Antimoine justifiant également le nom de cette mine donné par les anciens de « Mine Grasse » (3). il est surprenant tout de même, que ce gisement n'ait pas connu une activité plus importante au cours des travaux au début du siècle dernier, et qu'il n'ait pas été plus amplement exploité lors de la grande période d'Antimoine qu'avait connu le district Brioude-Massiac, allant de la fin du XIXe aux premières décennies de ce siècle.

 

            Troisième prélèvement :

 

            Le troisième bloc retenu était un quartz d'une teinte franchement ivoire, possédant quelques efflorescences bleutées, qui, sous les coups de la massette, se sont manifestées d'une manière des plus surprenantes : des plages métalliques d'un aspect grenu de couleur gris argent. Minéralisation suffisamment caractéristique pour y reconnaître de la Semseyite : sulfosel d'Antimoine et de plomb se trouvant parfois, comme nous pourrons en juger, exceptionnellement Argentifère dans notre région. Prélèvement confirmant l'existence de minerai Argentifère, stipulé effectivement dans la Convention Moyenâgeuse sous le Chapitre de Brioude, et pressenti par J.-J. Périchaud en regard de l'objet de la Convention.

 

            Quatrième prélèvement :

 

            Le prélèvement le plus stupéfiant fut de découvrir un morceau de Barytine lie de vin, faciès à s'y méprendre aux Barytines des filons dit des « Romains » à La Rodde près d'Ally, et des « Anglais » près de Lubilhac. Ce bloc de Barytine devait se révéler minéralisé également en Semseyite.

 

            Cinquième prélèvement :

 

            Il s'exercera à l'encontre d'un bloc de Quartz grisâtre assez volumineux (30 X 60 cm) minéralisé de sulfure d'Antimoine dans son milieu, comme pour le premier prélèvement en fines aiguilles orientées sur un même plan.

            Sur l'une de ses bordures, ce quartz offrait une couleur franchement plus laiteuse. Cette partie se révèlera minéralisée en nombreuses plages de Semseyite. Cet échantillon démontre une évidente juxtaposition de la Semseyite, du cycle minéralisateur précédent à Stibine.

 

            Sixième prélèvement :

 

            Le sixième prélèvement d'échantillons de roches minéralisées, est un Quartz bréchifié d'une couleur lie de vin, composé par moitié, en plus des plages « Argentées » de Semseyite, de Bournonite, d'un éclat métallique plus sombre que la Semseyite, entouré parfois d'altérations bleuâtres, dues à la présence manifeste de Cuivre. En effet la Bournonite, autre Sulfo-Antimoniures de Plomb et de Cuivre, possède cependant une teneur en Argent plus faible que la Semseyite.

 

            Septième prélèvement :

 

            Le dernier prélèvement mérite d'être rapporté, car il concerne un échantillon prélevé sur le filon Est de la « Mine Vieille » ayant fait l'objet de travaux au Moyen Age, et bien avant cette période, suite à des constatations que nous évoquerons ultérieurement. Il s'agit d'un bloc de Quartz grisâtre (de couleur caractéristique des Quartz minéralisés généralement en Antimoine), offrant sous les coups de la massette, une fracture garnie d'innombrables plages de Semseyite, à reflets métalliques étincelants « Blancs Argentés ». En présence, de semblables prélèvements, on comprend à présent davantage le titre minier de cette exploitation de « Mine d'Argent » évoquée notamment dès le Moyen Age.

 

 

 

            Au cours de la période moyenâgeuse, comme au début du XIXe siècle, puis en 1874, lors de la brève reprise, où l'on aurait seulement relevé les anciens travaux sur une cinquantaine de mètres, la « Mine Vieille » a fait l'objet de simples grattages ayant pour conséquences de masquer l'affleurement des filons. Toutefois, sur les 350 mètres qui déparent Chazelle-Haut du pont du Ceroux, nous relevons, séparées d'une soixantaine de mètres, deux zones de Gneiss modifiées, formant une salbande de quelques mètres, où l'on peut deviner l'emplacement des deux filons à Stibine mentionnés d'ailleurs dans le croquis sur la note de Marie Grenier.

 

            Des travaux miniers plus approfondis ou des sondages à la carotteuse permettraient une évaluation plus circonscrite des filons, comme la possibilité de découvrir un gisement « aveugle », ainsi que le laisserait supposer en particulier les indices à Barytine rose-lilas, pouvant plus spécialement correspondre à un filon croiseur à Bournonite-Semseyite, travaux qui pourraient apporter des précisions minéralogiques sur un complexe filonien évident. Selon J.-J. Périchaud (1971), les minéralisations des filons télescopés sont notamment pour les Sulfures et les Sulfosels, tantôt syncristallins, tantôt séparés.

 

            Notons que les filons à Sulfo-Antimoniures sont franchement orientés Est-Ouest, exemple ceux de la Rodde et des « Anglais », alors que ceux à Stibine sont en général d'une direction plutôt Nord-Sud. Il est à noter également sur les filons de ces deux dernières mines, la présence de Bournonite, minéral, rappelons-le, également présent à Chazelle dans le sixième prélèvement.

 

            Quelques jours plus tard, en compagnie de mon collègue Christian Vialaron, du groupe géologique de la Haute-Loire, nous pratiquerons, (toujours en rive gauche du Ceroux), un échantillonnage plus important de brèche quartzeuse minéralisée en Semseyite ; les propriétés situées au-dessus du tertre m'avaient livré les premiers indices de cette minéralisation, dont celle à Barytine. Ch. Vialaron, en prospectant ensuite dans un champ, à une cinquantaine de mètres au-dessus de la rive droite du Cerous, découvrira face aux précédents prélèvements de la rive gauche, (dont toujours en aval de Chazelle-Haut), quelques « volantes » de Barytine lamellaire blanc ivoire, avec fréquemment dans les lamelles une coloration bien caractéristique rose-lilas, minéralisée souvent en Semseyite, mais surtout sur certains échantillons en Goéthite...

 

            Quelques semaines suivantes, dans d'autres prélèvements de Quartz à Barytine et Semseyite, réalisés en compagnie de mon ami Daniel Barrier, fondateur du groupe géologique de la Haute-Loire, effectués toujours en rive droite du Ceroux (dont face à la « Mine Vieille »), nous découvrirons ce Sulfosel (Semseyite) accompagné parfois de nombreuses plages de Blende. Ensuite, poursuivant notre prospection en direction de l'ancien chemin parallèle à la route de Mercoeur, nous remarquerons effectivement, une ancienne recherche passant pratiquement inaperçue, orientée au Nord-Sud, en direction des filons à Stibine de la « Mine Vieille ».

 

            Selon la minéralogiste Brivadoise Marie Grenier (1938), M. Félix, directeur de Brioude-Auvergne, (société ayant concédé les mines de Chazelle de 1905 à 1931), aurait trouvé un filon contenant du Plomb Antimonial Argentifère, « la Semseyite des anciens auteurs », dans des proportions exceptionnelles, (200 gr d'Argent au quintal de Plomb), soit pour donner un autre ordre de grandeur plus comparatif : 2kg d'Argent à la tonne. Le filon serait situé, selon Marie Grenier, sur la rive droite du Ceroux en amont de Chazelle, lequel : Haut ou Bas ? S'agirait-il des travaux de l'ancienne recherche citée ci-dessus ?

 

            De toute évidence, en fonction des nombreux prélèvements réalisés tant en rive gauche qu'en rive droite, de minéraux à Sulfosels de Plomb, d'Antimoine et de Cuivre, typer Bournonite-Semseyite, cette constatation suggère une première hypothèse : soit l'existence d'un filon Polymétallique, comme ceux, (nous l'avons déjà souligné), rencontrés dans le district, d'une orientation général Est-Ouest, de gangue Barytique plus ou moins Quartzeuse, télescopant et contaminant les filons à Stibine.

 

            Deuxième hypothèse : soit cette minéralisation Sulfo-Antimoniures prend exceptionnellement un axe d'orientation proche de celui des filons à Stibine Nord-Sud de la « Mine Vieille » ; ainsi les fluides hydrothermaux du second cycle minéralisateur à Sulfosels d'Antimoine viendront, (de toute manière dans les deux hypothèses évoquées), s'introduire dans la précédente fracture du premier cycle à Stibine-Quartz, des filons de la « Mine Vieille », que nous savons de caractères remaniés.

 

            Il est à noter a priori, moins de minéraux à Sulfosels d'Antimoine dans les prélèvements réalisés en rive droite. Soulignons également que la Semseyite semble, (sur les deux rives), plus abondante que la Bournonite. Lorsque les Sulfosels minéralisent une gangue Quartzeuse bréchifiée, ils s'y rencontrent plutôt en dissémination par plages parfois assez conséquentes, de l'ordre de 15 à 25 m/m, alors que dans une gangue de Quartz plutôt massive, claire de préférence ces minéraux se remarquent en général aux épontes du filon, en plage bien moins conséquentes, mais d'une manière plus continue.

 

            D'après les travaux de J.-J. Périchaud (1971), le premier cycle minéralisateur ayant affecté le district à Antimoine de Brioude-Massiac, serait de haute et moyenne température (300 à 350°) et fut mis en place durant le Carbonifère à peu près à mi-chemin entre les phases Sudète et Asturienne de l'Orogénie Hercynienne : soit une période allant de 225 millions d'années à 295 millions d'années.

 

            Le second cycle minéralisateur serait de basse température (100 à 150°) d'un âge plus tardif, Trias supérieur, Lias inférieur, vraisemblablement en liaison avec des phénomènes tectoniques cassants, contemporains du début de l'Orogénie Laramienne : soit un âge de 215 à 192 millions d'années.

 

            Pour en revenir à présent à la mine de Cussat, les notes déposées aux Archives Départementales de la Haute-Loire, situent celle-ci, exploitée vers 1810, par Julien Cussat, propriétaire à Chazelle-Haut à 200 mètres en amont du hameau, sur la rive gauche du Ceroux.

 

            Lors de son passage à Chazelle, pour son travail de thèse présentée en 1970, J.-J. Périchaud ne retrouvait pas cette mine. Récemment encore, Christian Vialaron et moi-même, l'avons recherchée individuellement d'abord, puis ensemble, sans résultat.

 

            Cette mine devait bien exister, car nous possédons un plan des travaux comprenant quatre niveaux de galeries joints aux pièces d'Archives. Il est tout de même étrange qu'il n'en subsiste aucune trace sur le terrain. Aurait-on précisément comblé l'entrée des galeries et employé les déblais ? Ceux-ci s'utilisaient fréquemment pour la réfection des chemins, mais cela n'explique pas tout. Selon M. Sabatier, propriétaire actuel, nous devons peut-être tout simplement leur disparition lors du comblement du canal de l'ancien moulin de Chazelle-Haut.

 

            Il est bien probable que nous ayons à faire à une erreur volontaire ou involontaire de situation des travaux Cussat, car ces derniers se seraient finalement déroulés à la « Mine Vieille ». D'ailleurs le profil topographique du plan semble bien correspondre à celui où l'on voudrait situer cette dernière.

 

            Souvenons-nous d'abord, que Berthier identifiait en 1827 à Chazelle, (donc à l'époque des travaux Cussat), un sulfure double de Fer et d'Antimoine. Le prétendu filon de Cussat restant introuvable, cette constatation minéralogique ne pouvait seulement se réaliser qu'à la « Mine Vieille », les autres filons de Chazelle, « Mine Jeune » notamment, n'étant pas encore exploités.

 

            D'autre part, Marie Grenier, ne précisait-elle pas dans sa note de 1938, que selon le dénommé Sabatier de Chazelle, la « Mine Vieille » était obstruée depuis fort longtemps et des arbres avaient poussés dessus, si bien qu'à la suite d'un orage, un énorme peuplier de plusieurs mètres de haut disparut et fut complètement englouti. Or, Julien Cussat avait effectivement réalisé un puits d'une dizaine de mètres pour desservir les galeries. (Croquis A).

 

            Autre argument venant conforter les hypothèses de l'emplacement de la mine Cussat : alors que ma curiosité me conduisit quelque temps plus tard à prospecter la tranchée de la fosse à purin, profonde de deux mètres, de M. Sabatier qui m'avait aimablement autorisé à effectuer des recherches sur ses propriétés, ce fut la découverte d'un amoncellement de fragments de poteries à fondre le minerai d'Antimoine.

 

            On retrouve fréquemment ce genre de vases à fondre la mine dans les haldes des mines à Antimoine de notre région. Cette utilisation des récipients en terre cuite remonte pour les plus anciennes exploitations, au moins à 1733, depuis l'introduction de Hongrie en Auvergne de ce procédé, par une compagnie de mineurs Allemands. Nous pensons effectivement, que cette façon de fondre la mine, aurait été apportée par la famille des De Blumenstein.

 

            Ces vases confirment ainsi, (si cela était encore nécessaire), l'emplacement de la « Mine Vieille » de Chazelle, comme ils révèlent, l'existence d'un four à fondre le minerai. Vases d'une conception d'ordinaire dans l'ensemble à ceux déjà rencontrés dans les autres mines du district. Le col du premier vase placé au-dessus de celui devant recevoir le minerai en fusion est constitué d'un rebord droit, détail permettent une meilleure introduction du minerai à fondre, le second, (le vase inférieur), comporte un rebord plat, autre détail permettant la stabilité du premier pendant la fonte. Il serait utile de préciser que le fond du pot supérieur était obligatoirement percé d'un trou en son milieu, pour laisser échapper le minerai en fusion ainsi dépourvu de sa gangue pierreuse, pour passer dans le vase inférieur.

 

            Plus curieusement, j'observais quelques fragments de rebords d'un genre particulier jusqu'alors rencontré nulle part ailleurs. Le col de ces creusets possédait en dessous de leurs rebords, un cordon à décors ornés d'impressions digitales, du genre de ceux réalisés sur les céramiques antiques. (Croquis B). S'agit-il tout simplement d'une originalité du maître potier (4) ? Remarque qui ne manquera pas d'intéresser Pierre Watelet, conservateur du musée d'Aurillac, qui m'avait demandé d'effectuer des prélèvements des divers vases que je rencontrerai sur les anciennes mines d'Antimoine, pour leurs études pétrographiques, afin de tenter de déterminer l'emplacement géographique des ateliers de potiers.

 

            Avant l'implantation au XIXe siècle, près des axes routiers et ferroviaires, d'importantes fonderies, d'une technicité plus élaborée dans le traitement de l'Antimoine, répondant aux besoins croissants des industries métallurgiques, tous les fours étaient auparavant pratiquement installés sur l'emplacement même des mines. Cette transformation sur place du minerai procurait l'avantage d'éliminer le volume et le poids de la gangue stérile liée à la Stibine, surtout devant les difficultés de transport de l'époque.

 

            L'Antimoine était en effet, le plus souvent sorti des profonds ravins, non sans peine à dos de mulets, par de tumultueux sentiers, jusqu'au port de Cougeat (Brioude), pour rejoindre les aciéries par la flottille de sapinière de l'Allier. Nous relevons cependant à Tapon une exception à la règle, le four se trouve éloigné de la mine, discrètement dans les bois de la « Fouant Durand », car son utilisation aurait été plutôt destinée vers 1740, à la confection de la fausse monnaie.

 

            Enfin pour en revenir aux vases découverts à Chazelle, cette trouvaille fut des plus surprenantes pour le propriétaire de l'étable ; en effet, ce dernier n'avait rien remarqué lors du creusement de la fosse à la pelle mécanique, il y a quelques années.

 

            Malgré cette démonstration sur la mine Cussat, nous ne pouvons pas exclure totalement l'emplacement d'un filon à Stibine, là où les anciens documents voudraient la situer, soit rappelons-le, en rive droite du Ceroux, à 200 mètres en amont de Chazelle.

 

            Je signalerai pour mémoire, avoir trouvé lors de la recherche de ce filon, un morceau de Quartz bréchifié teinté rose-lilas, contenant de la Semseyite. Que penser de cette « trouvaille » dans ces parages... S'agit-il sans chercher à en tirer des conclusions trop hâtives, le prolongement Ouest du filon à Sulfosels d'Antimoine télescopant ceux de la « Mine Vieille » ?

 

            Comme le prélèvement de cet échantillon Sulfo-Antimonieux s'est réalisé à proximité d'un affleurement Granitique, traversant les Orthogneiss, cette constatation nous amène à préciser qu'on voudrait effectivement établir une liaison mécanique et spatiale des zones Granitiques et les gisements Polymétalliques. En effet, il est bien admis que l'environnement géologique joue un rôle prépondérant par son action sélective sur le cheminement et le piégeage des solutions minéralisatrices.

 

            Par ailleurs, on remarquera sur le plan de situation, l'emplacement des filons de la « Mine Vieille » au contact des Orthogneiss du Ceroux et celui des Gneiss à Biotite et Sillimanite. Il n'est pas encore à exclure de trouver ici, (en partie ou totalement), la réponse des migrations à Sulfosels d'Antimoine dans ces filons à Stibine, en relation avec une origine tectonique, entraînée par des mouvements de compression comme voudraient le démontrer les plis en chevrons parfois remarquables de matériels Quartzo-Feldspathiques Polycristallins, de ce contact d'unité pétrographique et structurale différents.

 

            Notons également, que le filon de la « Mine Vieille » traverse en rive droite, puisque nous relevons une gangue Baryto-Quartzeuse, (déjà mentionnée), à indice de Sulfosels d'Antimoine et de Stibine. Manifestement, ce dernier sulfure serait la minéralisation dominante de ce filon qui dans son prolongement en rive droite semble occuper une ravine, marquant un décrochement dans la topographie en direction du hameau du Gru.

 

            Lors de mes premiers prélèvements d'échantillons minéralisés dans le pierrier situé en dessous du tertre de la « Mine Vieille », quelques tessons de poteries gisaient curieusement, ainsi que des fragments de tuiles plates à rebords, la « tegulae » (5) Gallo-Romaine. Suite à cette constatation, j'observais attentivement une propriété labourée contiguë aux excavations de la mine. Effectivement, sur une aire d'une soixantaine de mètres, se répartissaient plusieurs tuiles plates à rebords et rondes, « l'Imbrex », des morceaux de briques plates couvertes de striations, faite à l'aide d'un strigille, relief réalisé, nous le verrons pour faciliter l'adhérence avec le mortier, ainsi que de nombreuses céramiques. Un inventaire des vestiges Archéologiques reposant sous 50 cm de terre arable, déposée sur les sédiments alluviaux du Ceroux, ces derniers en surplomb d'une trentaine de mètres du cours actuel du ruisseau, se révèlera intéressant.

 

 

I – MATERIAUX EN TERRE CUITE

 

 

 

 

         1 -« Tubulum » (fig. 1)

  

          Briques rectangulaires pour la réalisation d'un chauffage par Hypocauste, scellées au mortier dans l'épaisseur des murs, elles comportaient sur leurs faces externes des stries réalisées au strigille permettant une meilleure adhérence.

 

        2- « la Tegulae » (fig. 2) 

 

           Tuile plate à rebords, de forme rectangulaire mesurant généralement entre 40 et 50 cm de long pour 30 à 40 cm de large, munie à ses 4 angles de crans permettant leur emboîtement lors de la pose. Le long du rebord comportait une légère incurvation (A planche I), permettant l'emboîtement d'une tuile faîtière ou de recouvrement, « l'Imbrex ». On notait également, souvent les marques du tuilier, dans le cas présent, elles étaient représentées par trois demi-cercles, emprunt réalisé grossièrement avec les doigts avant la cuisson (B voir planche I).

 

 

 

            Fragment de tuile faîtière. (fig.3)

 

II – MOBILIER CERAMOLOGIQUE

 

            Partie supérieure d'une anse d'Amphore de la fin de l'Indépendance (Ie siècle) type Italique. (fig. 4)

 

            Anse d'Amphore type Gaulois. (fig. 5)

 

            Fragment de fond de marmite Tripode. (fig. 6)

 

            Un col de Dolium (réserve à grains) et fragment de panse à nervures horizontales. (fig. 7)

 

            Sigillée ornée à glaçure rouge représentant une scène de chasse, dont la partie arrière d'un Elan, puis la partie ventrale d'un second animal. (fig. 8)

 

            Fond de tasse : Sigillée lisse avec estampille O F C... dans cartouche ; potier de la Graufesenque (près Millau) selon A. Vinatié, pas de possibilité de préciser lequel : Calus vers 60-80, Calvinus vers 60-80 après J.-C. (fig. 9)

 

            Fragment de tasse Sigillée : Drap 24/25 ( - 50 + 50). (fig. 10)

 

            Fragment d'Assiette Sigillée : Drap 18/31 ( + 50 + 200). (fig. 11)

 

            Fragment de Tasse Sigillée : Drap 46 ( - 50 + 150). (fig. 12)

 

            Anses de Cruches blanches, début du 1e siècle. (fig. 13)

 

III – CERAMIQUES (non représentées)

 

            Fond de Cruche de Lezoux.

 

            Diverses céramiques communes indigènes à cuisson oxydante (rouge), réductrice (noire), le liant micacé pour certaines.

 

            Cylindre en terre cuite de 20 m/m de diamètre, s'agirait-il du fragment d'un Colifichet d'atelier de potier ?

 

            Un fragment de Mortier.

 

            Un fragment de bas de Jatte. Céramique peinte de Roanne, (couleur blanche, à larges lisérés oranges), céramique relativement rare, vers l'an 0.

 

 

 

 

            Je signalerai pour mémoire, avoir relevé d'autres céramiques, ainsi qu'une plaquette de Bronze, (Feuillard), à proximité de filons d'Antimoine à Mercœurette, près des mines de la Bessade. Les origines toponymiques des Mercoeur, évoqueraient l'emplacement de sanctuaires Gallo-Romains (6), voués à Mercure, Dieu des Arvernes, comme le célèbre temple de « Mercurius Dumias », élevé au sommet du Puy-de-Dôme.

 

            L'existence d'un habitat Gallo-Romain à Chazelle-Haut nous venons de le voir, n'est plus à démontrer. Quelques années plus tôt, la découverte d'une statuette par un agriculteur pouvait laisser entrevoir une occupation de ce lieu-dit, à cette période de l'histoire ; cette découverte restait alors non circonscrite dans l'espace et dans le temps. Cet objet fut porté ultérieurement à ma connaissance par A. Vinatié, lui-même informé de cette trouvaille, quelques mois après que je lui eus signalé cet habitat.

 

            Peut-on avec beaucoup de prudence rapporter cette trouvaille à la mythologie minière ancienne. On sait comme le rappelle F.-H. Forestier (1985), l'importance des fées et des lutins dans les mines et officines métallurgiques d'Allemagne au Moyen Age. A propos des légendes sur les mines abandonnées, Hesse (1968), rapporte... qu'autour des puits dont l'exploitation avait été interrompue, se créaient des légendes dans lesquelles intervenaient souvent des êtres féminins, (fées), interdisant l'accès des trésors souterrains, à tous ceux qui ne leur plaisaient pas ; c'est-à-dire précise l'auteur, généralement à tous les gens du pays.

 

            Néanmoins, la description du mobilier Gallo-Romain que nous venons de voir et dont je dois la détermination à A. Vinatié, atteste une occupation probable de moins 50 ans avant J.-C., du premier siècle certainement, et poursuivie vraisemblablement jusqu'au début du deuxième siècle. De toute évidence, la mine de Chazelle est contemporaine à celle des « Anglais » et de « La Rodde ». Les bases Archéologiques étant jetées, une étude complémentaire du site pourrait se révéler intéressante. Nous ne pouvons entrevoir les raisons de l'emplacement de cet habitat que pour l'exploitation du filon, car il demeure sur des terres inclinées, généralement impropres (terrasses alluviales du Ceroux) à l'établissement d'un domaine agricole. Notons qu'il sourd une source de « l'accident filonien » apportant l'eau nécessaire à l'habitat, installé nous l'avons dit sur l'emplacement même de la mine, mais encore face au soleil levant.

 

            Au cours de Moyen Age, (où la mine est stipulée dans la Convention de l'an 1277), le « Village des Mineurs », devenu depuis certainement plus important, aurait déserté cet emplacement pour s'installer à quelque distance, éventuellement sur les lieux actuels de Chazelle-Haut, où la configuration de la topographie est moins prononcée, facilitant les travaux des champs et le pacage du bétail.

 

            Nous n'avons aucune donnée sur l'importance des travaux de la mine réalisés d'abord dès l'Indépendance, autant qu'au Moyen Age : exploitation sans grande envergure, nous pouvons le penser. Selon Jean Rieuf, (1966), il fut découvert à Chazelle, des gonds massifs de la porte de la chambre de sureté des anciens prisonniers, encore inébranlables, scellés dans le roc. Constatation sûrement réalisée lors des travaux du filon de la « Mine Vieille », exécutés probablement par J. Cussat, vers 1810-1820, ou plus tard, lors de la brève reprise de 1873. Nous verrons qu'il fût également découvert dans les anciennes galeries dites des « Romains » de la Rodde, une grande salle de sûreté. Il était d'usage, dans l'antiquité, d'employer des prisonniers de guerre.

 

            D'après Marie Grenier, selon les papiers de la famille Cussat de Florat, originaire de Chazelle-Haut, on aurait également occupé à la « Mine Vieille », des condamnés comme main-d’œuvre, ressuscitant l'ancien usage de l'Antiquité consistant à employer les prisonniers de guerre ou condamnés de droit commun à extraire le minerai.

 

            Il serait intéressant de rechercher les origines du nom Chazelles, si éventuellement, ce nom avait eu pour origine une toponymie prégauloise. Le Convention Moyenâgeuse stipulait : Chazela, évolution phonétique évidente, depuis comme toute chose vivante, Chazelas viendrait toutefois, 'communication personnelle d'Alphonse Vinatié, (terroir entre Sanssac et Arsac Haute-Loire), terme étudié par Françoise de la Conterie (1978), viendrait de Chazals ; ce qui désignerait des constructions écroulées, des masures en ruines, et garderait le souvenir d'une occupation Gallo-Romaine.

 

            Malgré les moyens d'investigations de plus en plus sophistiqués de la recherche minière (prospection géochimique... électrique... photographique aérienne... télédection... etc.), l'étude toponymique peut aussi se révéler comme un précieux guide dans l'exploration minière. En effet, les plans cadastraux démontrent parfois aux prospecteurs, que certaines régions ont connu une activité minière dont le souvenir s'est effacé au cours des siècles. Ceci nous amène à la réflexion suivante : qu'une recherche micro-toponymique envers des racines Gauloises, Latines, Patoises ou le « rabillage » de l'une, de l'autre ou encore simplement Française, d'une éthymologie très évocatrice de : champs de feu (7), de la forge, du four ou encore du fourneau (8), peut éventuellement guider le chercheur pour l'existence d'un four à griller du minerai et même celle d'une mine.

 

            Les métallurgistes gallo-romains savaient déjà différencier la Semseyite, minerai Argentifère, de l'Antimoine, ce dernier minéral étant encore appelé par les anciens : « Régulus » le roi des métaux. Distinction pas toujours évidente pour ces deux substances métallifères, en effet, ce sont des sulfures assez semblables par leur couleur, un peu moins concernent leur faciès. L'Antimoine était surtout à l'époque plutôt d'un usage de prescription médical. Selon Pline « il est de propriété astringente et réfrigérante, on l'emploi surtout pour les yeux plus grands, il est employé dans les prescriptions callibléphariques des femmes. Il guérit les fluxions des yeux et les ulcères de ces organes : on s'en sert en poudre avec de la poudre d'encens et de la gomme. Il arrête aussi le sang qui s'écoule du cerveau ; en poudre, il est efficace contre les plaies récentes et contre les anciennes morsures de chien. Il est bon contre les brûlures par le feu, mêlé à de la graisse, de l'écume d'argent, de la céruse et de la cire ». Par contre, l'Antimoine était encore très peu utilisé en alliage des métaux. La Semseyite étant encore argentifère, convenait davantage à la confection des monnaies et des pièces d'orfèvrerie. Ainsi, ce n'est pas par pur hasard, que les premiers métallurgistes ont quelque peu délaissé les filons à Stibine pour ceux à Semseyite, comme ils en ont laissé le témoignage aux mines de la Rodde et des « Anglais », où ce minerai a donné, à l'analyse, une richesse en Argent peu commune : 1,600 gr tonne à la Rodde, le chiffre de 500 gr d'Argent à la tonne est avancé sur le filon des « Anglais ».

 

            Cette matière première Argentifère extraite de nos montagnes entre les rivières Allier et Alagnon a-t-elle été utilisée dans la fabrication des monnaies Arvernes ? Notamment celles découvertes dans les trésors monétaires (plusieurs centaines de pièces) à Gliseneuve de Lubilhac et de Cournil de la Chapelle-Laurent, localités, soulignons-le, proches des dits gisements du noble métal blanc. L'usage des monnaies s'établit dès la Tène moyenne ; c'était alors essentiellement des stratères de Philippe II de Macédoine, qu'il s'agisse soit d'imitation locale. La richesse des Arvernes était à base monétaire, et le Roi Luern passe pour avoir du haut de son char, distribué avec prodigalité des monnaies d'Or et d'Argent à son peuple.

 

            En général, on considère les plus anciennes exploitations minières du Massif-Central comme datant de l'occupation Romaine. Il est indiscutable que les Gallo-Romains ont porté un grand intérêt aux ressources minières de la Gaule, comme en témoignent leurs vestiges miniers, et la maîtrise de leur métallurgie par la réalisation de la couverture en lames de plomb du Temple de Mercure au sommet du Puy-de-Dôme.

 

            Les premières recherches minières de notre région, remonteraient néanmoins dès l'âge du Bronze, dans le secteur d'Echassières (Allier). En effet, il est de tradition historique que les Ibères s'adonnaient plus spécialement à l'exploitation des mines et au travail des métaux. Cette exploitation des gisements métallifères fut continuée pendant toute la période de la Tène et jusqu'à 150 avant notre ère par les Gaulois et surtout durant l'occupation romaine.

 

            Il fut découvert, au cours de la grande période de l'Antimoine, d'anciennes exploitations gallo-romaines. En 1895, lors de la réalisation des travaux sur les filons de la Rodde près d'Ally, il fut mis au jour dans le filon Saint-Paul, dit aussi « des Romains », le seul à Semseyite du groupe la Rodde-Freycenet, d'anciennes galeries romaines abandonnées, munies d'un système ingénieux permettant d'avoir l'éclairage continu bien avant l'électricité. Ces galeries étaient soigneusement boisées à l'aide de fortes pièces de chêne mortaisées encore intactes. Les mineurs retrouvèrent également une grande chambre de sûreté affectée au logement et à la garde des mineurs prisonniers de guerre des Romains, vraisemblablement des Gaulois, et où étaient entreposés du matériel et de l'outillage encore en bon état.

 

            Le nom du hameau de Mont-Rome (Mont Roma dans les textes anciens), voisin également de la mine, serait comme celui de la Rodde en consonance Ibère et Latine.

 

            Aux mines de Bonnac, on notait également à la fin du siècle dernier, d'anciens travaux avec la découverte en 1910 d'une laverie, vestige de l'époque Romaine où un dénommé Apulinus vint exploiter les gisements de Mispickel Aurifère de l'Arcueil (9).

 

            Une équipe du BRGM effectuant des travaux en 1976 d'évaluation du filon à Semseyite et Bournonite de la mine dite des « Anglais » près de Lubilhac, mettait à jour des installations gallo-romaines. Ce fut tout d'abord, au cours des travaux de terrassement, la partie dormante d'un moulin à minerai. Je redécouvrirai cette meule quelques années plus tard, abandonnée dans un jardin de la plaine de Brioude, son propriétaire n'y apportant aucun intérêt. Ensuite, les engins mécaniques dégagèrent les ruines d'un four au séchage du minerai : le premier du genre découvert et des canaux de tuiles à rebords constituant une laverie. Pendant les investigations en travaux miniers, les mineurs devaient mettre également à profit la découverte d'anciennes exploitations par puits creusés à l'aplomb du filon encore inondé, à l'intérieur duquel des boisages étaient parfaitement conservés, dont une datation au carbone 14 des boisages confirmant l'époque Moyenâgeuse.

 

            D'autre part, il avait été découvert lors des travaux de terrassement, des céramiques datant de la fin de l'Indépendance, ce qui voudrait préciser selon L. Tixier (1978) et A. Vinatié (1986), que la mine des « Anglais » aurait tout d'abord fait l'objet de grattage dès la Tène finale sur des affleurements quartzeux où gîtait le métal.

 

            Les plus importants travaux de ce siècle réalisés à Chazelle se sont effectués à la mine dite « Mine Jeune » que l'on découvre sur la rive droite du ruisseau en amont du hameau. Exploitations qui se dérouleront épisodiquement, à partir de 1833, pour cesser d'abord en 1839 à la suite de l'explosion d'un dépôt de dynamite. L'autorisation de détention d'explosifs a toujours été caution d'une autorisation surtout au regard des règles de sécurité. En juin 1907, la gendarmerie de Lavoute-Chilhac, dressait procès-verbal pour dépôt non autorisé par l'autorité d'administration de 200 kg de dynamite à un exploitant d'une mine d'Antimoine près d'Ally. Celui-ci avait reçu plus rapidement les matières explosives que l'autorisation permanente de les détenir.

 

            Pour en revenir à la « Mine Jeune », de Chazelle-Haut, une reprise des travaux s'effectuera, vers 1910, mais sera de courte durée. Les mineurs se n'estimant pas suffisamment payés avaient volontairement passé à côté du filon, puis abandonné la mine pour travailler à la construction du tunnel de Verneuge sur la ligne Brioude-Saint-Flour. Un regain d'activité s'exercera néanmoins pendant la guerre 1914-1918, pour cesser définitivement en 1921. Il faut parvenir en 1971 pour que cette mine soit à nouveau en activité à l'occasion des travaux de recherche qui se dérouleront pendant 18 mois par la SUMEX (société en gérance libre de la concession des mines de Dèzes devant en même temps reprendre la mine d'Ouche près de Massiac).

 

            La main-d’œuvre était encore locale, la tradition ancestrale d'employer des agriculteurs-mineurs existait toujours. Si l'ouverture des galeries possédait le même gabarit que celui des temps anciens, les conditions de travail s'étaient tout de même améliorées. L'usage des marteaux piqueurs pneumatiques remplaçaient celui des pics enfoncés à la volée des coups de massettes ; les explosifs à amorce électrique étaient aussi plus fiables que les mèches lentes. Après l'exécution d'un travers-banc de plus de 300 m, les travaux cesseront sans avoir atteint la veine minéralisée recherchée.

 

            De l'Antimoine en provenance de la mine Chazelle est déposé dans les vitrines du «Géological Muséum» de Londres. Au musée Lecoq à Clermont-Ferrand, on pouvait observer sur les échantillons exposés, quelques grains d'or visibles à l'œil nu. En effet, certains filons antimonieux de la région de Brioude se sont avérés aurifères, considérés toutefois comme le souligne J.-J. Périchaud (1970) pauvres ou exempts d'or : les formations aurifères étant Catathermales et celui des filons de Stibine Epithermaux.

 

            Les mines à Antimoine du district Brioude-Massiac devaient fournir de magnifiques échantillons cristallisés faisant l'orgueil de nos musées nationaux. Cependant, avant tout, elles devaient depuis la fin du XIXe et au début des XXe siècles contribuer d'une façon non négligeable au développement économique de cette région du Massif-Central Français à vocation agricole, dont les fonderies ont été les premières industries.

 

Guy PEGERE

 

 

 

 BIBLIOGRAPHIE

 

            Marie Grenier (1938), « La mine d'Antimoine de Chazelle-Haut » : Almanach de Brioude.

 

            P.-H.-J. Hess (1968), « La mine et les mineurs en France de 1300 à 1550 » : thèse d'Etat de droit – Université de Paris.

 

            J.-J. Périchaud (1970), « Les gisements Métalliques du District à Antimoine de Brioude-Massiac » : thèse B.R.G.M.

 

            Jean Rieuf (1971), « Massiac et son canton » : Imprimerie Gerbert Aurillac.

 

            Gabriel Bayssat (1971), « Ally village Arabe en Auvergne » : Imprimerie Watel.

 

            Daniel Barrier (1975), « La mine de la Rodde » : Bibliothèque Nationale de Paris.

 

            Françoise de la Conterie (1978), « Noms de Terroir Vellave ».

 

            Luc Tixier (1978), « Mines Romaines en Auvergne » : Archéologia.

 

            F.-H. Forstier (1985), « Apports récents de la Géologie, de l'Archéologie et de la Microtoponymie à la localisation d'activités « industrielles » anciennes sur le plateau de Craponne-sur-Arzon. Fonderies et exploitations minières », Les Cahiers de la Haute-Loire (1985).

 

            Alphonse Vinatié (1986), « Le passé de la Préhistoire à l'époque Gallo-Romaine », Edition collective éditée par le musée d'Aurillac. Imprimerie Champagnac d'Aurillac.

 

            J.-Pierre Daugas, « Orientation Archéologique : 10 années de recherche Archéologiques en Auvergne ».

 

            L'expression de mes remerciements et de ma sympathie à M. Alphonse Vinatié, correspondant des Antiquités Historiques du Cantal.

 

            Ma reconnaissance à J.-J. Périchaud Docteur és-Sciences, Ingénieur géologue, en souvenir de nos conversations géologiques, en 1970, dans les locaux de l'antenne du B.R.G.M. de Massiac ; je lui dois aussi mes premières déterminations minéralogiques.

 

 

 

        1 - Actuellement la production de la France en Antimoine est nulle, l'importation annuelle de cette substance métallifère est de l'ordre de 3. à 4 000 tonnes.

 

        2 - Depuis les années 70, l'Antimoine tend à disparaître dans les plaques des batteries où il est associé au plomb. On lui reprochait un dégagement gazeux nuisant à la longévité des accumulateurs.

 

        3 - Je viendrai à prélever une dizaine de boules et plus de minerai d'Antimoine, extrêmement pur, (sans gangue), dont certaines grosses comme le poing et le plus souvent en agrégats aciculaires radiés. Cette constatation de saisir du minerai d'Antimoine d'une qualité certaine, tiendrait à démontrer que les travaux pour cette substance, sur le filon de la Mine Vieille, se sont vraisemblablement exercés à l'encontre d'une lentille de minerai. Considérant de petits travaux sur ce filon, nous pouvons envisager cette lentille gisant pratiquement en affleurement. Les anciens, en l'absence d'une continuité visible dans la minéralisation, négligeaient fréquemment de poursuivre davantage l'exploitation des filons et ceci souvent aussi en raison des difficultés d'exhaure rencontrées en profondeur.

 

       4 - A moins que leur aspect particulier ferait que ces vases auraient été utilisés au XIIIe siècle sous le Chapître de Brioude pour la minéralisation Argentifère. Deux constatations viendraient conforter leur ancienneté : l'absence remarquée de rebord « plat » sur les pots et la profondeur de leur enfouissement, 1,80 m ce qui est assez considérable. Ceci pourrait nous amener à suggérer à rencontrer la première génération de vases, avant l'utilisation vers 1733 de « pots percés », permettant un meilleur écoulement du minerai en fusion au moment de sa séparation de la gangue pierreuse.

 

      5 - En prospectant depuis la supposée recherche Félix, en direction de la ferme du Banc, sur la présence d'autres blocs épars de Barytine, je vins à passer à la hauteur d'un puits où gisaient près de ce point d'eau de très nombreuses tuiles à rebords.

 

 

            Parmi ces éléments de couverture tradition Gallo-Romaine, je viendrais à prélever la partie inférieure incomplète d'un moulin à céréales, en lave basaltique, contemporain aux « Tegulae », ayant à l'origine, en toute vraisemblance 37 cm de diamètre.

 

            Meule tout à fait semblable à celles déjà en ma possession, prélevées sur d'autres sites et comme celles pouvant à loisir être observées dans les vitrines du Musée Crozatier.

 

            Concernant le mobilier céramologique, m'étant peu attardé à chercher ce genre de vestiges, je retiendrai la description du fragment d'une coupe en terre beige sans engobe, dont le potier avait intentionnellement personnalisé son œuvre, en faisant apparaître une spirale originale dans le fond de l'ustensile. Un second prélèvement notable, s'agissant d'un tesson genre Sigillé à glaçure rouge, pourvu de motifs ornementaux se trouvant endommagé par l'outrage des ans passés dans sa gangue terreuse.

 

            Un curage de ce puits pourrait éventuellement fournir des débris de poteries. Certains puis Gallo-Romains de Haute-Loire ont déjà livré divers objets déposés comme offrandes aux divinités des sources.

 

            L'observation de la carte d'Etat-Major de Brioude, nous suggère la situation de cette Vilae, sur l'une des voies Gallo-Romaine dite des Crêtes passant par le plateau de Mercoeur et suivant le profil de l'antique route de Brioude à Saint-Flour.

 

 

 

 

         6 -I l n'est pas à exclure, l'existence à Mercoeurette, (Mercoeurette dans les anciens textes), des vestiges d'un Dolmen, voire ceux d'un Oppidum. Intrigué par la présence d'importants rochers d'un débit grossièrement rectangulaire manifestement déposés par l'homme dans le fond d'une petite excavation, une personne âgée me précisa la provenance de ces grosses pierres. Celles-ci, autrefois, se trouvaient situées au sommet d'une petite éminence envahie de genêts. Son père, devant entreprendre son défrichage, déplaça ces blocs rocheux à l'aide d'attelages de bœufs et de crics et conserva seulement le plus plat (une immense pierre, d'un gabarit comparable à celles utilisées comme table sur les Dolmens), afin de recouvrir une source jouxtant la propriété.

 

        7 - Nous relevons un terroir du nom : « Champ du Feu » à Mourleyre sur le plateau de Mercoeur, celui-ci se trouvant être d'une situation centrale à de nombreuses mines d'Antimoine, ayant fait, depuis leur abandon, plusieurs campagnes de sondages et de prélèvements d'échantillons.

 

 

            Nous avons effectivement connaissance de l'existence de fours, au moins à partir de 1739, date du passage à Mercoeur de le Monier, premier médecin ordinaire du Roi qui visitait les mines de la région de Brioude. Terroir situé sur une partie du plateau très venté, constatation confortant l'implantation de fours à griller les minerais d'Antimoine, car les vents forts augmentent le tirage ainsi qu'une meilleure dissipation des fumées toxiques produites par la fusion des minerais.

 

            Soulignons dans ce terroir, la présence de houx, de rameaux et de cerisiers sauvages : arbrisseaux témoignant d'ordinaire une occupation humaine, le plus souvent très ancienne. Constatation pouvant également conforter l'hypothèse de l'existence de plusieurs générations d'installations du même genre remontant à une période plus reculée ; voir l'œuvre des Sarrasins, dont on connaît l'installation si VIIIe siècle dans cette partie de la région de Brioude ; ceux-ci auraient porté quelque intérêt aux gisements d'Antimoine.

 

           (8) Il est à noter un terroir du nom « Les Fourneaux », à Verteseyre, hameau également proche des mines de La Bessade et de Miramont près de Mercoeur. Les documents anciens stipulent mine Verteseyre concernant effectivement le filon de Bessade. On en conviendra que le nom de ce terroir à proximité de ces champs filoniens est des plus éloquents pour le signalement d'un four. Son emplacement est également d'ailleurs indiqué dans la topographie d'un promontoire en surplomb du défilé du ravin de Verteseyre. Ce plateau d'Ally-Mercoeur particulièrement venté, (nous l'avons déjà souligné), est une région chère à Gabriel Bayssat, fervent artisan pour la sauvegarde dans ce pays de demi-montagne, d'anciens moulins à vent, plus nombreux que les petits moulins à eau rencontrés le long des ruisseaux à truites. On dénombrait à la fin du siècle dernier, pas moins d'une douzaine de moulins à vent en activité. Installations meunières particulières à cette contrée de l'Auvergne, dont on voudrait situer les origines venues d'Orient à l'issue des croisades.

 

            (9) Guy Pegere (publier dans l’Almanach de Brioude de 1995), Les mines Aurifères de Bonnac dans le district à Antimoine de Brioude-Massiac (Haute-Loire, Cantal).

 



21/07/2017
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